Joomeo :
Philippe Zamora bonjour ! Nous sommes ravis de présenter votre travail à nos lecteurs. Vous êtes actuellement basé à Paris et vous exercez le métier de photographe d’entreprise. Cette description est probablement assez juste, mais elle est surtout très réductrice ! Dites-nous qui vous êtes vraiment et comment vous êtes devenu photographe.
Philippe Zamora :
Je suis venu à la photo après mes trente ans ! J’étais musicien, bassiste plus précisément, au sein de différents groupes de rock dans les années 80. J’aimais cette vie, mais il a bien fallu se rendre à l’évidence : je ne deviendrais jamais une rock star !
À cette époque, j’avais un ami photographe professionnel, qui travaillait pour le journal Libération. J’ai commencé à l’accompagner, avec mon appareil photo, alors qu’il couvrait des manifestations et des mouvements de contestation pour son journal.
J’ai découvert une profession qui s’exerçait en extérieur et en mouvement. Cela représentait un vrai contraste avec la musique telle que je la pratiquais, c’est-à-dire essentiellement en intérieur et de façon assez statique.
J’ai vécu ça comme une sorte de révélation ! La photo inversait le mouvement : alors que la musique consistait à laisser venir les gens vers nous, dans une salle, en tant que photographe, il fallait aller dehors pour trouver la matière dont seraient faites les images ! Ça représentait une inversion complète de mon mode de fonctionnement. J’ai adoré ça !
Je me suis lancé et, alors que je n’ai jamais pu percer dans la musique, malgré mon travail et ma motivation, la photo m’a rapidement offert des opportunités. J’y ai très vite trouvé ma place.
Mon premier projet personnel m’a ouvert des portes. Il s’agissait d’une série en noir et blanc, dédiée aux parieurs dans les PMU de banlieue. Par un concours de circonstances, j’ai pu présenter ce travail au directeur artistique de Publicis, en charge de la réalisation du rapport annuel du PMU. Évidemment, mes images ne pouvaient pas être utilisées dans ce cadre. Trop centrées sur la condition des hommes que j’avais photographiés, elles n’avaient vraiment rien de flatteur pour l’entreprise. Pourtant, dès la semaine suivante, Publicis m’offrait mes premiers contrats et me confiait des shootings tout ce qu’il y a de plus corporate !
De fil en aiguille, j’ai trouvé d’autres clients. Et en un an, la bascule était faite : j’étais photographe professionnel !
Avec du recul, je pense que j’ai trouvé dans ce métier tout ce qui me plaisait : l’inconnu, le mouvement et la diversité. J’ai immédiatement aimé ce que je faisais, ce qui m’a permis de le faire bien, et de satisfaire mes clients. Ensuite, tout s’est enchainé comme par évidence.
Joomeo :
Lorsque nous avons visité vos sites internet, https://www.p-zamora.com et https://www.philippezamora.com, nous avons très vite vu le lien entre les deux espaces : l’humain est toujours au centre de l’histoire. Au travail, dans la rue, en soirée, dans la misère ou la richesse, ce sont les femmes et les hommes qui accrochent votre objectif. Qu’est-ce que cela dit de vous ?
Philippe Zamora :
C’est tout à fait vrai : l’humain est mon sujet favori. Je ne trouve aucun intérêt à photographier des paysages ou des objets. Ce qui me plaît dans la photo, c’est l’interaction avec les gens. S’il n’y a pas cette interaction, ça ne m’amuse pas !
D’ailleurs, les photos en entreprise m’apportent beaucoup sur ce point.
On me dit souvent que je fais de la photo corporate parce que c’est ce qui rapporte de l’argent pour financer le reste. C’est faux ! Même si, en effet, la photo d’entreprise me donne les moyens de mener à bien mes projets personnels et artistiques, j’y trouve aussi un réel épanouissement.
J’aime le rapport humain que je trouve au sein des entreprises, en particulier dans l’industrie. J’adore les usines et les personnes qu’on y croise. Ça ne fait pas de moi un grand humaniste. J’aime simplement le contact avec les gens, j’aime les regarder vivre. À chaque rencontre, je suis un peu comme un extra-terrestre qui débarque et découvre un nouveau mode de vie !
On ne sait jamais parfaitement à quoi s’attendre dans les rapports humains. Ça me correspond totalement ! Il n’y a rien de plus plaisant pour moi que de ne pas savoir ce qui m’attend, de ne pas savoir où je vais, parce qu’alors, tout peut arriver.
Lors de l’un de mes voyages à Tokyo avec un ami photographe, nous partions tous les matins en nous disant simplement : “On va prendre cette ligne de métro jusqu’au terminus, et on verra bien !”. Généralement, on descendait avant la fin parce que quelque chose nous avait attiré l’œil. Et les choses intéressantes commençaient comme ça !
Joomeo :
C’est très étonnant de vous entendre dire que vous n’avez pas une approche humaniste. Les émotions et l’empathie qui transpirent de vos images disent le contraire !
Philippe Zamora :
Vous savez, la photo est une forme de manipulation ! Lorsque je vois une scène qui m’intéresse, je la regarde avec l’œil du photographe qui sait quelle image peut en sortir et éventuellement l’empathie qu’elle peut susciter.
Alors, évidemment je ne suis pas insensible à ce qui se passe au moment où je prends la photo, mais j’ai besoin de prendre de la distance pour correctement faire mon travail. Ce n’est pas au moment où je prends la photo qu’il y a de l’empathie chez moi… À cet instant, je suis dans la construction de l’image. L’empathie vient après.
Joomeo :
Sur votre site p-zamora, vos portraits sont d’une intensité rare. Cela tient en partie à la distance très faible qui existe entre votre sujet et vous. Comment parvenez-vous à créer une telle confiance avec les personnes que vous photographiez ? Comment parvenez-vous à entrer dans leur espace personnel, voire intime ?
Philippe Zamora :
Pour moi, la distance au sujet est ce qu’il y a de plus important. Robert Kappa disait : “Si la photo n’est pas bonne, c’est que tu n’étais pas assez près”. J’adhère entièrement à cette théorie.
C’est ce qui explique que j’utilise très peu d’objectifs au-delà du 35 mm. J’ai besoin de “rentrer dans les visages”, d’être très près pour bien faire mon boulot. Je dois me faire violence pour ça, parce que ce n’est pas dans mon tempérament. Mais, dans mon cas, c’est LA condition pour faire une bonne photo.
Il n’y a pas de règle en la matière, mais je n’ai pas forcément besoin d’interagir avec une personne pour faire des photos d’elle. Bien souvent, je déclenche les photos sans même que le sujet s’en rende compte. Je ne porte jamais l’appareil à mon œil, ce qui me permet de faire des prises de vues très discrètement.
Souvent, j’attends le moment où j’ai réussi à me faire oublier de l’assemblée pour commencer réellement mon reportage. Quand je suis parvenu à me fondre dans le décor et que j’ai, pour ainsi dire, disparu aux yeux de tous, alors j’obtiens mes meilleures photos.
C’est évidemment moins vrai lorsqu’il s’agit de faire des images corporate, dans lesquelles les sujets sont face caméra avec les yeux dans l’objectif. Là, le défis est ailleurs, on cherche à avoir de belles lumières pour flatter la peau et les attitudes. C’est le monde de la pub !
Joomeo :
Côté matériel, quels appareils et objectifs utilisez-vous lors de vos reportages et de vos shootings en entreprise ?
Philippe Zamora :
J’adore tout ce qui touche au matériel, donc j’ai eu énormément d’appareils différents entre les mains, de toutes les marques. Ce serait trop long de faire l’historique ici. Ils avaient tous leurs lots de qualités et de défauts. Aujourd’hui, je travaille avec un Nikon Z6 et j’en suis ravi. Il répond à tous mes besoins aussi bien dans mes projets personnels que professionnels.
En ce qui concerne les objectifs, comme je le disais un peu plus tôt, j’affectionne particulièrement les objectifs fixes 28 et 35mm pour mes projets persos. Ils m’obligent à plus de proximité avec le sujet. Je zoome et dézoome avec mes pieds ! Cette exigence me demande plus d’implication dans le cadrage, dans la recherche du bon angle. La photo n’en est que meilleure.
Je fais appel à des zooms uniquement dans le cadre de la photo corporate. Ils me permettent de m’affranchir de contraintes parfois liées à la sécurité sur des sites industriels par exemple.
Joomeo :
Vous semblez avoir un lien particulier avec l’Asie, l’Asie du Sud-Est en particulier. D’où cela vient-il ?
Philippe Zamora :
Je n’ai pas analysé ça. C’est une zone du globe dans laquelle je me sens à l’aise tout simplement. Mon rapport avec les gens en Asie est plus simple qu’en Afrique par exemple. Je ne sais pas pourquoi, mais c’est comme ça pour moi.
Dans le continent asiatique, j’ai un rapport particulier avec le Japon. Là-bas, notamment à Tokyo, on a l’impression de tout connaître, que tout est comme chez nous, mais très vite on s’aperçoit qu’on se trompe… tout semble pareil que chez nous, mais tout est différent !
Le Japon est vraiment un pays sublime. On dit de la France qu’il y a plusieurs pays en un seul, parce qu’on y trouve une variété incroyable de paysages. C’est la même chose pour le Japon : lorsqu’on voyage du nord au sud, le climat, les reliefs et la végétation changent. On a l’impression de passer d’un décor à un autre, et ils sont tous plus époustouflants les uns que les autres. La culture y est riche et comme le pays n’a jamais été envahi, il y a eu très peu de porosité avec d’autres cultures. Du coup, on perçoit une identité très forte.
Je me sens bien dans ce pays que j’ai visité plusieurs fois. D’un point de vue photographique, c’est pour moi un terrain très fertile. J’ai encore beaucoup de choses à y faire !
Joomeo :
La majorité des images que l’on voit sont en noir et blanc. Que recherchez-vous dans ce mode de traitement ? Est-ce un moyen d’accentuer la dramaturgie de la photo, un simple choix graphique ou une sensibilité personnelle ?
Philippe Zamora :
Pour mes projets personnels, j’ai besoin de prendre des directions franches, claires et qu’il y ait une cohésion d’ensemble.
Dans mes premières images du Japon, il y avait encore de la couleur, mais je me suis vite aperçu qu’elle représentait plus une distraction à mes yeux qu’un atout. Elle m’empêchait d’aller à l’essentiel.
Il ne faut pas se méprendre : j’aime les photos en couleur ! Mais, pour mes images, je préfère rester sur un noir et blanc, avec des contrastes plutôt forts. Ça me permet de dramatiser ce que je photographie.
Lorsque je prends des photos couleur, j’ai souvent tendance à les traiter comme du noir et blanc. A bien y regarder, c’est la lumière qui m’intéresse et qui fait mes images. Je n’ai pas besoin de la couleur.
En fin de compte, je pense que pour moi, la couleur n’est intéressante que si elle représente le sujet principal de l’image. D’ailleurs, ça pourrait très bien être le thème central d’un de mes prochains projets personnels !
Joomeo :
Vous travaillez évidemment en numérique actuellement, mais vos photos ont souvent un “grain” particulier qui rappelle fortement l’argentique. Êtes-vous nostalgique des pellicules qu’on développait dans des chambres noires ?
Philippe Zamora :
Pas du tout ! J’étais impatient de pouvoir passer au numérique, et dès que j’en ai eu l’occasion, j’ai bazardé tout mon matériel argentique. Néanmoins, je trouve souvent que les images numériques sont trop bien définies et affichent un rendu trop lisse, ce qui peut enlever de la poésie.
Il m’arrive assez fréquemment de détériorer (toute proportion gardée) la qualité de mes images par des traitements logiciels. Ça leur apporte le grain que vous évoquez et un supplément d’âme il me semble.
Joomeo :
Et Joomeo dans tout ça ! Depuis quand utilisez-vous notre solution et qu’appréciez-vous dans notre plateforme ?
Philippe Zamora :
J’ai découvert Joomeo en 2020 grâce à un ami photographe avec qui j’avais un projet commun. Pour échanger nos images, il m’a proposé d’utiliser Joomeo et j’ai adopté la solution immédiatement.
Je suis très rapidement passé à l’offre Photographe INFINITE parce qu’elle propose un stockage illimité qui répond parfaitement à mes besoins. Depuis, mon espace Joomeo fait partie intégrante de mon processus de sauvegarde : mes images sont toutes conservées sur des disques durs externes et une copie est systématiquement importée sur Joomeo.
Dans mon utilisation personnelle, j’apprécie la manière dont on peut gérer l’organisation de son espace, avec une arborescence complète. Ça me permet de retrouver rapidement les images dont j’ai besoin sans trop me poser de question.
Professionnellement, l’accessibilité de mon espace Joomeo, quand je veux et où je veux, depuis mon téléphone ou mon ordinateur, m’apporte une souplesse très appréciable. Je peux répondre aux demandes de mes clients avec beaucoup de réactivité, même si je suis à l’autre bout du monde.
Les modes de partage sont efficaces et mes clients apprécient de savoir que leurs images sont disponibles en permanence et sans limite de temps. Donc, grâce à Joomeo, j’offre un service supplémentaire à ma clientèle, un service qui lui apporte de la sérénité. Tout le monde s’y retrouve !
Joomeo :
Manifestement, vous avez bien compris comment tirer le meilleur parti de Joomeo, c’est parfait !
Une toute dernière question : quels sont vos projets photographiques pour les prochains mois ?
Philippe Zamora :
J’aimerais faire un sujet sur la nuit au Japon. Je projette de me rendre à Osaka en juillet pour faire des photos à partir de la tombée de la nuit jusqu’au lever du soleil. J’appellerai ce projet “Nine to Six”.
Juillet est une période où il fait très chaud la journée donc, dans les grandes villes, les gens sortent la nuit. Cela crée une ambiance très particulière et c’est ce que je souhaite capter avec mon appareil.
Je ne sais pas ce que je trouverai, ni même s’il y aura vraiment des choses à photographier. Mais qui ne tente rien, n’a rien ! Et, comme nous en avons parlé tout à l’heure, j’aime ne pas savoir où je vais. Si je parviens à mettre sur pied mon plan et à me rendre à Osaka l’été prochain, je serai parfaitement dans mon élément.
J’en ferai probablement un livre photo que je sortirai en auto-édition ultérieurement.
J’ai d’autres idées en tête, mais dans l’immédiat je me concentre sur celle-ci.
Joomeo :
Nous vous remercions chaleureusement pour cette interview, Philippe. Vous nous avez fait voyager dans le temps et dans l’espace, c’était passionnant ! Nous laissons nos lecteurs avec un diaporama de quelques-unes de vos images pour que le voyage continue encore un peu…
Retrouvez notre photographe sur…
son site professionnel : Philippe Zamora Corporate
son site personnel : Philippe Zamora
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